Pochette du 33 tours « La Mort d’Orion », 1970. L’album sera réédité en CD en 1996 avec un son de la batterie différent sur tout le CD (plus "sourd", avec moins de réverb), et deux vers de la chanson "Ils" qui disparaîtront.
La mort d’Orion - Introduction
La mort d’Orion - La mort d'Orion
La mort d’Orion - Où l'horizon prend fin
La mort d’Orion - Salomon l'hermite
La mort d’Orion - Final
Vivent les hommes
Ils
Le paradis terrestre
Elégie funèbre
La mort d’Orion - Introduction
La mort d’Orion - La mort d'Orion
La mort d’Orion - Où l'horizon prend fin
La mort d’Orion - Salomon l'hermite
La mort d’Orion - Final
Vivent les hommes
Ils
Le paradis terrestre
Elégie funèbre
Manset a 25 ans en 1970 lorsque sort cette "Mort d'Orion" qui va sans tarder devenir un disque mythique : une face consacrée à une symphonie, un opéra futuriste (oui, le terme fait peur) qui, s'il a un peu vieilli, marque tout de même l'ambition et le culot du jeune homme, avec ses cordes grandiloquentes et ce ton qui tranche résolument avec la production francophone de l'époque ; l'autre face, constituée de chansons à peine plus formatées, frappe par sa noirceur. Disque réédité en CD en 1996.
Christophe Dufeu
« Personnellement, je n'ai jamais été amateur de cet album. Je l'ai enregistré en 1968, à 22 ans. A l'époque, je ne voulais pas chanter, j'avais des blocages psychologiques par rapport à cela. D'autre part, j'ai toujours pris soin de faire une discographie impeccable et je préférais rester sur une idée passée, un souvenir. Puis je l'ai réécouté, il y a six ou sept ans, et à ce moment-là tout le monde aurait aimé que je le ressorte. Ca a ravivé cette plaie ouverte par rapport à la bizarrerie qu'est pour moi la Mort d'Orion. C'est vrai que cette espèce d'oratorio a un côté grandiose, mais il est aussi maladroit de naïveté, à la fois infantile et ingénieux, étonnant et dérangeant. Maintenant, le revoilà, retravaillé par petites touches. J'ai surtout replacé la voix sur l'orchestre, en gardant les accompagnements d'origine. Orion en a gardé son originalité d'antan et, en même temps, il est aujourd'hui définitivement accepté dans ma famille… Cet album, c'est un peu le Palais du facteur Cheval musical, la démonstration qu'on peut trouver du sens dans n'importe quoi. Quand je l'écrivais, je ne savais pas ce que j'écrivais. C'est presque de l'écriture automatique. Je n'ai rien cherché, c'est venu tel quel, une saga cosmique. Je ne sais plus qui m'a parlé d'Orion à l'époque. Je me souviens juste d'une image, celle d'une nébuleuse noire. Ce paradoxe m'a fait partir ailleurs et fut le déclencheur de l'écriture d'Orion… »
« En ce qui concerne « Orion », j'ai pu répondre à une sorte de demande qui existait depuis toujours, j'ai ressorti l'album intégralement tel qu'il était. Il est évident que j'ai aligné certaines petites choses qui m'agaçaient à l'époque, c'est ce qui a fait que j'ai attendu si longtemps avant de le ressortir. En plus, il y a un timing... lorsque cet album est sorti je devais avoir 25 ans, et c'était assez éprouvant au niveau des textes, au niveau de la globalité de la dimension de l'album, ce n'était pas en adéquation avec l'âge de l'auteur. Alors j'ai attendu que cela soit en adéquation. Ca l'est un peu plus maintenant... On peut supporter de quelqu'un qui a mon âge aujourd'hui, de traiter des textes comme « Vivent les hommes », « Paradis terrestre », « Elégie funèbre », et même comme ce texte de « La mort d'Orion » qui est assez dramatique en soit, mais pas à 25 ans, ou alors cela ferait rire tout le monde. Moi cela ne m'a pas fait rire à l'époque, cela n'a d'ailleurs pas fait rire non plus effectivement les journalistes, j'étais le seul peut-être à trouver que ce n'était pas en adéquation, mais bon j'ai tenu cette position fermement jusqu'à aujourd'hui… »
« Il faut être clair. Si j'avais été journaliste à l'époque, un Michel Lancelot par exemple, qui a beaucoup aimé et diffusé « Orion » et qui était un ami, j'aurais remis les pendules à l'heure en disant que « La Mort d'Orion » c'est du niveau classe de 6ème pour l'écriture. Quant au côté musical, étant autodidacte, il était tout à fait normal que je passe par le montage, le collage de bandes et tout ça, je ne vois là rien d'original dans la démarche. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que le produit n'est pas original - comme était original ce qu'a fait le Facteur Cheval - mais j'aurais dit qu'il fallait attendre un peu pour porter un jugement sur le talent… Je n'avais pas écouté « Orion » depuis qu'il était sorti, et puis je l'ai réécouté… Il est évident que j'ai été décoiffé, passez moi l'expression, ça laisse sur place, ça m'a laissé sur place. Il n' y a pas d'ego
là-dedans, je l'ai écouté comme si c'était l'album du voisin. Néanmoins, il y avait des imperfections, toujours les mêmes, qui m'ont catastrophé à l'époque, et qui ont fait que je pensais ne jamais pouvoir le remettre sur pied, pour trois détails, trois détails qui faisaient péricliter l'affaire… Néanmoins, en dehors de ça, c'était magistralement stupéfiant. Là, c'était le producteur qui était dans la panade, parce que j'avais un truc où 99% est magistral et il y avait ce 1% qui entravait l'affaire… »
« Sur « Paradis terrestre », j'ai innové en compressant l'ensemble du mix sur une seule piste. Sur « Elégie funèbre », j'ai écrit et dirigé les cordes à l'envers... Autant de choses qui paraissaient simples, évidentes, à moi qui les imaginais et les voulais immédiatement réalisées… J'avais 20, 22 ans… On s'en fout, tout va vite, on fait feu de tout bois, qu'on dorme, qu'on boive, qu'on bouffe ou pas. C'est un age excessivement dynamique. Je ne me rendais pas compte que Bernard (Estardy) avait autant de panache… A la moindre suggestion, il plongeait. » « Quand je vois aujourd'hui les difficultés que j'ai pour la moindre chose, une séance de coeurs, une chorale, tel musicien... C'est une des raisons pour lesquelles j'ai tout ramené à moi : parce que c'était plus simple de les faire que d'aller... A l'époque, je me souviens je suis allé voir Giani, j'ai dû y penser le matin à 10h, et puis à midi j'ai dû avoir le téléphone... Il était au théâtre, je l'ai vu dans sa loge, il m'a dit : OK. Il est venu le lendemain ou le surlendemain, j'avais tapé les trois textes à la machine, il ne savait même pas de quoi il s'agissait. Je lui ai dit ce qu'il faisait, ça a duré un quart d'heure, et il est reparti. C'est tout simple ».
Introduction
Où l’horizon prend fin
Où l’œil de l’homme jamais n’apaisera sa fin
Au seuil enfin de l’univers
Sur cet autre revers
Trouant le ciel de nuit
D’encre et d’ennui profond
Se font et se défont
Les astres
Par delà les grands univers
Où les colonies de la terre
Prolifèrent
Et dans la grande nébuleuse noire
Dont, voici dix mille ans, fut l’histoire
Depuis qu’ils voulaient voir
Ce peuple fou, ailé, la nébuleuse noire
Depuis donc et déjà tant de siècles passés
Qu’ils avaient délaissé
La terre
Ce peuple solitaire
S’éprit de ses vestiges
Et voulu en revoir la tige
Or, pendant que coulaient
Tous ces millions d’années
Sur la planète mère
Les survivants damnés
Redoraient le parvis
De leur vie
Cependant que croulait interminablement
Un bruit de poussière et de vent
Et que s’affaissait le béton
Que coulait le peuple d’Orion
On a vu bien d’autres étoiles depuis
Allumées comme au fond d’un puits
Ceci remonte à bien longtemps
Sur Orion que la mort attend
Un prêtre fait asseoir les hommes à genoux
Et le peuple incompris
Prie
Orion ne reverra plus jamais le pays
Et la lune, sa sœur, aura bien loin d’ici
Des ailes comme dans un taudis
Les cieux privés de leurs dentelles
Baissent les yeux
La mort d’Orion
Au milieu des cerisiers blancs, sur son cheval
Le prêtre a des ciseaux d’argent
Il a les mains couvertes de papier doré
Et le devant de son visage est décollé
Les grands arbres se dressent, les yeux mouillés
Leurs cheveux comme des tresses
Qui cachent le soleil
Les fleurs sont comme des oreilles
Et tout homme est pareil
Et chacun se retourne dans son sommeil
Nous
Même si nos membranes fragiles
Nous rendent un peu moins agiles
Ensemble
Nous franchirons les mers
De notre planisphère
Reprendrons nos mines de fer
Si on nous laisse faire
Si on nous laisse faire
Et l’autel est dressé
Sur ses deux mains, sur ses bras blessés
Regardant vers le nord
Les mains tendues comme une plante carnivore
Et du plus loin que l’on entend les rires
Déjà morts au sortir de leur bouche de cire
Il faut les laisser faire
Ce ne sont que des mammifères
Dans ce monde de prose
Où tout est mou
Rien ne tient quand on le pose
Nous
Même si nos yeux sont trop clairs
Nous retournerons sur la terre
Ensemble
S’il faut venger nos morts
S’il faut souffrir encore
Nous incinèrerons leurs corps
Si on veut de nous encore
Si on veut de nous encore
Nous
Même si nos membranes fragiles
Nous rendent un peu moins agiles
Ensemble
Nous franchirons les mers
De notre planisphère
Reprendrons nos mines de fer
Si on nous laisse faire
Si on nous laisse faire
Où l’horizon prend fin
Orion, sentant sa fin venir
Dressa ses habitants contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Depuis longtemps, depuis longtemps
Riche de tout, ce peuple parasite
Auquel nous rendions visite
Souvent fit notre faillite
D’où il les avait mis sur le sol d’Orion
Il pointa ses canons la tête la première
Vers l’horizon puis vers la terre
Orion, sentant sa fin venir
Dressa ses habitants contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Contre leurs souvenirs
Depuis longtemps, depuis longtemps
Riche de tout, ce peuple parasite
Auquel nous rendions visite
Souvent fit notre faillite
D’où il les avait mis sur le sol d’Orion
Il pointa ses canons la tête la première
Vers l’horizon puis vers la terre
Salomon l’hermite
Par delà les plus hauts monts
Au milieu des goémons
Vit Salomon
Pareil aux preux chevaliers teutoniques
Comme les lépreux sataniques
Et dont la descendance princière et millénaire
Un jour Pour toujours quitta la terre
Depuis longtemps, depuis longtemps
Riche de tout comme un coquillage
Dont la coquille est sans âge
Salomon ignorait d’autres rivages
C’est au creux d’une lagune
Dont il cheminait les dunes
Qu’un soir de lune
Descendant du ciel en spirales
Tombèrent les anges des étoiles
Tenant à peine debout
Ensevelis par la boue
Le sable mou
Leur semblant comme autant de serpents
Ils détruisirent tout en un instant
Depuis longtemps
Depuis longtemps
Jaloux de tout
Debout dans leurs caravelles
Ce peuple aux formes nouvelles
Fit tomber nos citadelles
D’un coup d’aile
Par delà les plus hauts monts
Au milieu des goémons
Vivait Salomon
Et dont le descendance princière et millénaire
Pour couvrir son corps creusa la terre
Les fossoyeuses marines
Trouveront dans sa poitrine
Tant de vermines
Qui malgré les prêtres d’Orion
Se nourrissant de lui, revivront
Orion ne reverra plus jamais le pays
Et la lune, sa sœur, aura, bien loin d’ici,
Orion n’aura jamais s’il faut, pleuré, grandi
Quoique aura bien vécu du moins à ce qu’on dit
Final
Nous
Par le droit que nous donne notre âge
Réduisons nos fils à l’esclavage
Ensemble
Si demain chacun d’eux nous ressemble
Il faudra faire en sorte
Qu’aucun d’eux ne ressorte
Du monde dont nous fermons les portes
Que la légende d’Orion
Soit morte
Vivent les hommes
Sous leur crâne en poussière
On dirait qu’ils sont fiers
De leurs idées
Sur leurs chevaux rayés
Les canons enrayés
De la beauté
Vivent les hommes
N’oubliez pas non plus
Qu’on ne reconnaît plus
Ses amis
Les rides entrecroisées
Le visage froissé
De brebis
Vivent les hommes
Ils ont petits, grandis, démesurés
N’essayez de les mesurer
Ils ont des horizons
Plus hauts que des maisons
De dix étages
Et bien plus hauts que les nuages
Ils ont des horizons
Plus hauts que des maisons
De dix étages
Et bien plus hauts que les nuages
Le chagrin les domine
Comme un vieux puits de mine
Abandonné
Les profonds souterrains
Qui leur creusent les reins
Condamnés
Vivent les hommes
Chaque jour affairés
Le long des voies ferrées
De banlieue
Les voilà qui s’installent
A table, les mains sales
Vivent les hommes
Ils ont petits, grandis, démesurés
N’essayez de les mesurer
Ils ont des horizons
Plus hauts que des maisons
De dix étages
Et bien plus hauts que les nuages
Ils ont des horizons
Plus hauts que des maisons
De dix étages
Et bien plus hauts que les nuages
Ils
Ils ont le même aspect que nous
Quand nous sommes à genoux
Droits comme le temple d’Angkor
Leur tête sur leur corps
On ne nous aimera jamais
Et si la pluie coule désormais
De nos visages
Pareil au fond d’un marécage
Nos idées se libèrent
Et il nous faut tourner la page
Et il nous faut tourner la page
Il en est qui viennent au monde
En riant
On leur donne la religion
Qui passe dans la région
Si notre ciel est toujours gris
Et si notre ventre est rempli
De pourriture
Ce n’est pas tant la nourriture
Mais plutôt l’exemple
De tous les dieux de nos temples
De tous les dieux de nos temples
Il en existe deux par an
Qui cherchent
On les retrouve au fond d’un puit
Le ventre plein de pluie
On ne nous aimera jamais
Et si la pluie coule désormais
De nos visages
On ne nous aimera jamais
On ne nous aimera jamais
Si notre ciel est toujours gris
Et si notre ventre est rempli
De pourriture
Si notre ciel est toujours
Si notre ciel est toujours gris
On ne nous aimera jamais
On ne nous aimera jamais
On ne nous aimera jamais
Le paradis terrestre
Hier, en traversant la rue
Je me suis reconnu
Tête nue, méconnu
J’ai changé de trottoir
Avec dix ans de plus
Je me suis rattrapé
Quelques instants plus tard
Par hasard
C’est bizarre
Je suis passé
Devant moi sans me voir
Le paradis terrestre
Voyez ce qu’il en reste
C’est une terre aride
Les yeux perdus au fond des rides
C’est un chemin plus difficile qu’on ne croit
C’est un chemin de croix
Je me suis rattrapé
Ce soir-là dans une impasse
Où l’on passe
Tête basse
Je me suis retourné
Pour bien me voir en face
Je me suis pris la gorge
J’ai serré, j’ai serré
J’ai serré, j’ai serré
J’essaierai d’être meilleur ou pire à l’avenir
Mais qui sait ce qu’il va devenir
Le paradis terrestre
Voyez ce qu’il en reste
C’est une terre aride
Les yeux perdus au fond des rides
C’est un chemin plus difficile qu’on ne croie
C’est un chemin de croix
Hier, en traversant la rue
Je me suis souvenu
D’avoir vu, tête nue
Quelqu’un qui ne me semblait pas inconnu
Je ne me suis revu qu’une fois l’année dernière
J’avais l’air d’être en l’air
A quelques centimètres au-dessus de la terre
C’est un chemin plus difficile qu’on ne croie
C’est un chemin de croix
C’est une terre aride
Les yeux perdus au fond des rides
C’est un chemin plus difficile qu’on ne croie
C’est un chemin de croix
C’est une terre aride
Les yeux perdus au fond des rides
C’est un chemin plus difficile qu’on ne croie
C’est un chemin de croix
Animal, on est mal
Animal, on est mal
Animal, on est mal
Elégie funèbre
Couvrez-moi de fleurs s’il le faut
Laissez venir l’homme à la faux
Et si me coudre les paupières
Au moins ne me riez derrière
Moi
Laissez me parler à l’oreille
Et faire miel de moi l’abeille
Et dans mon ombre, laissez vivre
Quand bien même le bateau ivre
Sombre
Croyez-moi, dans ce monde-ci
Jamais on ne m’a dit merci
Où que ce fut, ont que ce soit
Qui que ce fut, où que ce soit
S’en fut
C’est pour ma chair fragile et morte
Que je prie de vous de la sorte
Qu’on ne m’ait pas en terre admis
Sans que l’on y descende aussi
Que reste ici de mon passé
Dans ce caveau frais repassé
L’habit de noce et le carton
De ma langue et de mon menton
L’os
L’ongle a peine de désigner
Faisant main comme l’araignée
Les yeux se taisent et la cornée
Dessous l’arcade cimentée
Pèse
Couronnez-moi de fleurs mauves
Si voyez que ma vie se sauve
Et des ténèbres ayez raison
Lirez lumières de l’oraison
Funèbre
Prenez soin de moi si pouvez
Faites de vos bouches un ave,
Que Dieu le dépose ou l’apporte
S’il fut seul au pied de ma porte
Close
Couvrez moi de fleurs s’il le faut
Laissez venir l’homme à la faux
Couvrez moi de fleurs s’il le faut
Couvrez moi de fleurs s’il le faut
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