jeudi 16 juillet 2009

Fauvette

Elle avait pas dormi depuis plus de trois jours
Une petite fauvette aux yeux peints
Avec des bagues aux doigts, une jupe de daim
Avec un blouson de satin

Elle est partie dans le fond téléphoner
A on ne sait qui
On l’a vue qui pleurait
Et puis se recoiffer comme une furie
Se moucher dans sa manche

Quelqu’un devait l’attendre dehors mais il neigeait
Elle a rabattu sa capuche, écrasé sa cigarette
Laissé quelques pièces de monnaie
Ramassé comme un petit Donald en peluche
Ramassé comme un petit Donald en peluche

J’en aurais pas parlé si ce n’était pas un dimanche
Avec ce qu’on peut pleurer pour les hommes
Les petits, les moches, les grands, les têtes de pioche
Et ceux qui parlent jamais à personne
Et ceux qui parlent jamais à personne

Quand j’ai vu qu’ils la suivaient
Qu’ils la mangeaient des yeux
La petite fauvette en parka
La petite fauvette

Elle avait pas du dormir depuis pas mal de temps
Comme une alouette blessée
Parce qu’il faut dire qu’il y a pas souvent de printemps
Dans les rues de sa cité

Il y avait un sapin de Noël planté
Un peu plus loin sur le parking
Et les loupiotes qui semblaient lui dire : va t’amuser
Avant que la vie te tombe dessus

Je les aie vus qui marchaient
Dans cette neige fondue vers un camion
Et lui qui la tenait comme ça dans la nuit
Comme si elle avait bu
Qu’elle avait les jambes en coton
Qu’il fallait qu’elle dorme dans un vrai lit
Qu’il fallait qu’elle dorme dans un vrai lit

Si je parle de ça, c’est que je me suis souvent demandé depuis
Ce que j’aurais pu faire de plus
Sinon l’asseoir de force et lui faire cracher son mal de vivre
Personne aurait jamais su
Personne aurait jamais su

Laissez nous comprendre pourquoi tout est ainsi
Escrocs et malfaisants

On en ramasse comme ça
Tous les automnes, tous les hivers
Les ongles encore accrochés
Sur quelques lambeaux de mystère

Pourquoi s’était-elle enfuie de toute la chaleur
Que peuvent donner une mère, une soeur
Un père absent, violent,
Qui peut-être même avait tout brisé
Quand même laissé du bonheur
Quand même laissé du bonheur

Et la dinde, à plus d’heure
Quand j’ai voulu m’en retourner
Tout ça m’était sorti de la tête
Comme toutes ces choses
Qu’on n’a jamais fini de ressasser
Alors le jour s’est levé
Alors le jour s’est levé

Comme un chacal en manque d’amour
Qui lève une charogne
Et vient prendre la place de la nuit
Tous les arbres étaient blancs
Oh sûr, pas comme au temps des cigognes
Au dessus de toutes ces flaques de cambouis
Au dessus de toutes ces flaques

A chacun son démon tapi qui peut sortir de l’ombre
Voilà la seule chose que je me suis dit
Vers un ailleurs indéfini aux portes du hasard
J’ai vu la vallée dans le brouillard
J’ai vu la vallée
Vers un ailleurs indéfini
Aux portes du hasard
J’ai vu la vallée

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