jeudi 16 juillet 2009

REVIVRE - 1991



Pochettes du 33 tours « Revivre », la première œuvre de Manset à avoir été sortie en CD dès l'origine. « Revivre » sortira en 33 tours uniquement en pressage limité à 7.500 exemplaires. Le CD a fait l'objet de deux éditions aux mixages différents à quelques mois d'intervalle. Même pochette et même référence. Seul le CD lui-même comporte deux petites différences qui permettent de les identifier : le nom MANSET est souligné sur la réédition remixée et l'inscription "Made in Holland" n'y est plus (quant au livret, il tire davantage sur le rouge...). Sachant qu'il existe aussi une version sans soulignement et sans mention "Made in Holland", hum... Réédition en 1995 et 2003.

Tristes tropiques
Le chant du cygne
Le lieu désiré
Revivre
Capitaine courageux
Eden bay
Territoire de l'Inini


Cet album frère de « Matrice » en est aussi l'opposé, baigné de parfums de voyages (« Tristes Tropiques », « Capitaine courageux »). Marqué cependant par le même pessimisme (« On croit qu'il est midi et le jour s'achève » sur le titre « Revivre ») et le même soin des arrangements, plus colorés encore, il ne pourra mieux s'achever que sur les mélanges de flûte et de guitares de « Territoire de l'Inini », dans lequel Manset regrette (une nouvelle fois) les paradis perdus.

Christophe Dufeu



Tristes tropiques

On nous parle d’Indiens qui souffrent et se font rares
Ne sommes-nous pas nous-mêmes peuples opprimés
Pas d’étuis péniens, pas de curare
Mais la même terreur qui force reculer

Qui partez le matin, revenez le soir
En vivant de cueillette et de faux espoirs
Sur des terrains de chasse dérisoires
Il vous reste quand même le droit d’être cyniques
Ne pas suivre les autres comme une bique
Ne pas aller dansant de façon mécanique
Sur les fumées d’encens des tristes tropiques
Sur les fumées d’encens des tristes tropiques
Parmi les sons de flûtes apocalyptiques

Qui partez le matin, revenez le soir
Chasseurs collecteurs vêtus de noir
Si la forêt se meurt, putrifie
Ce n’est pas pour autant comme un défi

Des Atlantides encore
Des Atlantides encore s’engloutissent
Mais ce qui meurt un jour, un jour revit
Dans le bruit des grands arbres et celui des scies
Il nous reste quand même le droit d’être assis
Ne pas singer les autres, faire comme si
Ne pas aller dansant de façon mécanique
Sur les fumées bleues des tristes tropiques
Sur les fumées bleues des tristes tropiques
Parmi les sons de flûte apocalyptiques

Indiennes nues, femmes sans âge
Qui serez devenues tourbe ou feuillage
Vous vous réveillerez, le marécage
Sera couvert d’acier jusqu’aux nuages

Et devant les piscines en marbre de Carrare
Les Indiens viennent mourir et se font rares
Ne sommes-nous pas nous-mêmes Indiens des plus rares
Pour nous sauver peut-être il n’est pas trop tard

Comme il faut bien finir un jour, quelque part
Nous irons nous tapir dans une mare
Dans un de ces lagons épargnés de l’histoire
Où le sable est maison, le vent musique
Dans un de ces lagons des tristes tropiques
Où le sable est maison, le vent musique
Dans un de ces lagons des tristes tropiques
Dans un de ces lagons
Où le sable est maison
Dans un de ces lagons des tristes tropiques

Dans un de ces lagons
Dans un de ces lagons


Le chant du cygne

Monte dans l’air du soir
Comme une mélodie
Un parfum d’encensoir
De paradis
Et ce que l’on croit voir
Les fumées qui s’alignent
Ce sont les ailes noires
Le chant du cygne
Sur le grand étang
On sent le vent
Soulevant
Les membres des enfants
Comme ludions
Comme ludions
Ce sont eux qui seront
Légions, légions

Monte dans l’air du soir
Comme une symphonie
Escalier dans le noir
Où l’on s’appuie
Et ce que l’on croit voir
Ce qu’une main désigne
Ce sont les ailes noires
Le chant du cygne
Sur le grand étang
On sent le vent
Soulevant
Les membres des enfants
Comme ludions
Comme ludions
Ce sont eux qui seront
Légions, légions
Ce sont eux qui seront
Légions

Ce sont eux qui seront
Légions, légions

Monte dans l’air du soir
Comme dans l’ascenseur
Vers les ténèbres noires
Une douceur
Jusqu’au dernier instant
Il faudra être digne
Laisser venir le chant
Le chant du cygne
Sur le grand étang
On sent le vent
Soulevant
Les membres des enfants
Comme ludions
Comme ludions
Ce sont eux qui seront
Légions, légions

Ce sont eux qui seront
Légions, légions
Ce sont eux qui seront
Légions, légions


Le lieu désiré

Le menton creusé
La barbe de deux jours
Sur le lieu désiré
Il reviendra toujours
Ainsi les choses passent
Et les quartiers se vident
Et lui revient livide
La chemise ouverte
La chemise ouverte

Le menton creusé
La barbe de deux jours
Vous le verrez passer
Sur le banc glacé
Venir se placer
Attendre le jour
Venir se placer
Attendre le jour

Mais c’est sûr, le vent soufflera toujours
Pour effacer les traces, laver les blessures
Et quelles que soient les marques et les brûlures
Cadenasser les portes et les serrures

Mais c’est sûr, le vent soufflera toujours
Comme un masque de fer dans un gant de velours

Le menton creusé
La barbe de deux jours
Vous le verrez passer
Sur le banc glacé
Venir se placer
Attendre le jour

Vagabond va
Finir par s’arrêter
Se poser là-bas,
Comme une chienne met bas
Innombrable portée
De son rêve ici-bas
Innombrable portée
De son rêve ici-bas

Le vent soufflera toujours
Comme un masque de fer dans un gant de velours

Le vent soufflera toujours
Comme un masque de fer dans un gant de velours

Comme un masque de fer
Dans un gant


Revivre

On voudrait revivre
Mais ça veut dire
On voudrait vivre encore la même chose
Refaire peut-être encore le grand parcours
Toucher du doigt le point de non-retour
Et se sentir si loin, si loin de son enfance
En même temps qu’on a froid, qu’on pleure
Quand même on pense
Que si le ciel nous laisse on voudra
Revivre
Ça signifie
On voudra vivre encore la même chose
Le temps n’est pas venu qu’on se repose
Il faut refaire encore ce que l’on aime
Replonger dans le froid liquide
Des jours, toujours les mêmes
Et se sentir si loin, si loin de son enfance
En même temps qu’on a froid, qu’on pleure
Quand même on pense
Qu’on n’a pas eu le temps de terminer le livre
Qu’on avait commencé hier en grandissant
Le livre de la vie limpide et grimaçant
Où l’on était saumon qui monte et qui descend
Où l’on était saumon, le fleuve éclaboussant
Où l’on est devenu anonyme passant
Chevelu, décoiffé
Chevelu, décoiffé, difforme se disant
On voudrait revivre, revivre, revivre

On croit qu’il est midi mais le jour s’achève
Rien ne veut plus rien dire, fini le rêve
On se voit se lever, recommencer, sentir monter la sève
Mais ça ne se peut pas
Non, ça ne se peut
Non, ça ne se peut


Capitaine courageux

Chevelure des ombres mortes
Dans la nuit qui les emporte
Par-delà le vide immense
Entre ténèbres et silence
Chevelure des ombres danse
Que plus un vivant ne sorte
Chevelure des ombres mortes
Que plus un vivant ne sorte
Dans les couloirs, les cohortes
Emmèneront vers le vide
Le navire translucide
Capitaine courageux
Dans l'univers nuageux
Ciel sans fin, poussière du monde
Que la vérité profonde
Poursuit pour l'éternité
Dans le cargo percuté
Dans le cargo percuté
Sur le flanc, sur le côté
Dans le delta d'Andromède
Chevelures belles ou laides
Retombent sur le navire
Comme poulpe des abîmes
Chevelures des algues bleues
Comme guerriers immobiles
Mécanique trop fragile
Des corps humains sur les tables
Ciel de fumée, vent de sable
Ciel sans fin, poussière du monde
Noir d'abysse, boucles blondes
Des enfants dans leur sommeil
Dans une ruche sans abeille
Et le navire continue
Allant dans sa coque nue

Si seulement t'avais connu la terre
Du temps des océans et des continents verts
De la mousse, des plantes, des saisons, de la pluie
Et je pleure sur lui
Qui va dans l'océan suivant la pente
Masque blanc, vêtement d'amiante
Ciel sans fin, poussière du monde
Ciel sans fin, poussière du monde
Vivre juste une seconde
Des enfants dans leur sommeil
Dans une ruche sans abeille
Et le navire continue
Allant dans sa coque nue
Allant dans sa coque nue
Vers des mondes inconnus
Parlant d'autres univers
Sur des pupitres de verre
La tête à côté du corps
Seul un robot parle encore

Si seulement

Ciel sans fin, poussière du monde
Poussière du monde
Vivre juste une seconde
Vivre encore ce qu'il a vu
Vivre ce qu'il a vécu
Capitaine, si seulement t'avais connu la terre
Du temps des océans et des continents verts
De la mousse, des plantes

Capitaine courageux
Dans l'univers orageux
Poursuit pour l'éternité
Dans le cargo percuté

Dans le delta d'Andromède
Chevelures belles ou laides
Retombent sur le navire
Comme poulpe des abîmes
Comme poulpe des abîmes
Comme poulpe

Capitaine, que le vide entraîne
Sous les étoiles comme pollen
Ta peine
Capitaine
Comme pollen
Dans le grand tumulte des cieux
Comme
Comme pollen
Dans le grand tumulte


Eden bay

Le plus bel endroit du monde
Pour soigner spleen et chagrin
A l’heure où la nuit tombe
C’est quand Maria-té revient
C’est quand Maria-té revient
Glisser son corps de mendiante
Et son profil de reine
Entre les tables branlantes
Et les tatouages de sirènes
Et les tatouages de sirènes
Prends la clé du 311
Au-dessus du Golden Gate
La pluie frappe les rideaux sales
La longue nuit s’installe
La longue nuit s’installe
Au-dessus du Kangooro Bar
Où tout le monde raconte I’histoire
Du grand viking aux yeux d’or
Serrant Nora sur son corps
Serrant Nora sur son corps

Visage d’ange
Qui se maquille
Sur fond de ciel de nacre
Qui pleure, danse et joue
Jamais ne dort
Sur fond de ciel de nacre
De perle et d’or

Des coups de rasoir plein les bras
Estelita pleure tout bas
Va t’asseoir à côté d’elle
Sur la caisse de San-Miguel
Sur la caisse de San-Miguel
Le plus bel endroit ce soir
C’est ‘le drap grand comme un mouchoir
Où tu la prends par la taille
Y’a juste une petite entaille
Y’a juste une petite entaille
Rouge et dure comme une écaille
Comme une marque sur du bétail
Au-dessus du Kangooro Bar
Où les grands fauves viennent boire
Où les grands fauves viennent boire
Tout à coup il fera jour
Tu sortiras sans un bruit
Retrouvera belle de jour
Par l’escalier d’incendie
Par l’escalier d’incendie
Visage d’ange
Sur fond de ciel de nacre
Qui pleure, danse et joue
Sur fond de ciel de nacre

Un jour à l’autre bout du monde
A des milliers de kilomètres
A l’heure où la nuit tombe
Tu te souviendras
Tu te souviendras des
Titubant dans leurs baskets
A l’heure où la nuit tombe
Devant l’entrée du Gold
Devant l’entrée du Golden Gate
Visage d’ange
Qui se maquille
Sur fond de ciel de nacre
Qui pleure, danse et joue
Jamais ne dort
Qui pleure, danse et joue
De perle et d’or
Visage d’ange
Sur fond de ciel de nacre
Qui pleure, danse et joue
Sur fond de ciel de nacre
Visage d’ange


Territoire de l’Inini

Chaud comme un nid
Territoire de l’Inini
Tout y fini
S’enfonce vers l’infini
Tronc équarri
Glisse sur le Maroni
Piroguiers aguerris
Chamane qui les guérit

Pluie sans répit
Sur le Rio Kamopi
Seins ronds comme des fruits
Nagent nus dans l’Inini
Danse et magie
Ont duré toute la nuit
Cendres sur l’abattis
Et l’avion est reparti

Dans le village endormi

Dans la cabane pour la nuit
Flamme d’une bougie
Femmes livrées sans un bruit
Contre des perles et des fusils
Pluies sur l’abattis
Dans le village endormi
Fièvres, maladies

Dans le village endormi
Cendres sur l’abattis
Fièvres, maladies
Et l’avion est reparti
Pleure et prie
Arawak, Guarani
Guayara, Galibi
Pour les indiens d’Amazonie

Du fond de leur sinistre nuit
Du fond de leur sinistre nuit
C’est comme un bout
De paradis
Qui pleure debout
Pleure et prie
Arawak, Guarani
Comme les huiles
Pleure et prie
Guayara, Galibi
Arawak, Guarani
Pour les indiens d’Amazonie
Comme les huiles

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